Neurodyssée
Lobotomie
Ou comment est-elle passée d’un traitement innovant à une méthode controversée ?
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Un peu d’histoire
Rosemary Kennedy est peut-être un nom moins célèbre que celui de son frère qui n’est autre que l'ancien président américain John F. Kennedy. Pourtant, son histoire tragique longtemps restée dans l’ombre, illustre aujourd’hui la méthode extrême
qui a servi de traitement aux troubles psychiatriques : la lobotomie. C’est en
1941, à l'âge de 23 ans que Rosemary subit une lobotomie qui a complètement changé sa vie, un sort partagé par des milliers d'autres à cette époque.
Cette intervention, destinée à calmer ses humeurs jugées imprévisibles, a
plutôt laissé des profondes séquelles, réduisant sa capacité à parler et la
rendant incapable de marcher normalement pour le reste de sa vie. Ce cas
célèbre nous rappelle les dangers d'une science appliquée sans les garde-fous éthiques nécessaires.
Tout débute en 1963, lorsqu'un neurologue portugais, intrigué par les travaux des neuroscientifiques américains Fulton et Jacobsen, invente une méthode radicale pour traiter des troubles psychiatriques sévères. En effet, ces derniers avaient observé qu'en retirant les régions frontales du cerveau de chimpanzés présentant des comportement anormaux, il pouvait faire disparaître les crise de colère et la “névrose” des animaux. Inspiré par ces résultats, Egas Moniz développe une technique visant à séparer et
retirer les fibres nerveuses myélinisées dans les lobes frontaux, que ce soit de
manière globale ou partielle. Cette méthode a principalement été utilisée chez des
patients atteints de schizophrénie et de dépression. Les travaux ont été
récompensés d’un prix Nobel en 1949 pour ses prétendues réussites.
La popularité de la lobotomie s’expliquait principalement par un
besoin de traiter les nombreux cas de maladies psychiatriques, intensifiées par les séquelles de la guerre et un manque certain d'alternatives thérapeutiques. Toutefois, l'émergence des antipsychotiques à l'hôpital Saint-Anne à Paris a marqué un tournant, réduisant considérablement le recours à la lobotomie. Aujourd’hui, les patients atteints de maladies psychiatriques, ont à leur disposition différents traitements pharmacologiques, une meilleure prise en charge et de nouvelles thérapies.
Focus sur le lobe frontal
Malheureusement, cette méthode comporte de nombreux risques majeurs de part l’importance qu’a le lobe frontal dans les fonctions cognitives. En effet, le lobe frontal, situé à l'avant du cerveau, juste derrière le front, joue un rôle crucial dans le contrôle des mouvements et des fonctions exécutives.
Ces fonctions incluent la planification, le contrôle des impulsions, la résolution de problèmes et la gestion des émotions — des aspects fondamentaux de notre personnalité. La dégradation du lobe frontal par un acte tel que la lobotomie, conduit à une altération de manière irréversible la personnalité et les capacités cognitives des patients.
Aux États-Unis, plus de 40 000 lobotomies ont été recensées avant que cette méthode ne soit abandonnée. Pour mieux comprendre l'ampleur de ce chiffre, cette proportion représente le nombre total d’étudiants à l’Université de Lyon 1.
Et aujourd’hui ?
Aujourd'hui, la neuroscience a fait des progrès considérables. Les traitements modernes comme la stimulation cérébrale profonde et la stimulation magnétique transcrânienne offrent des alternatives bien plus sûres et réversibles que la lobotomie. Ces deux techniques de stimulation cérébrale sont utilisées comme traitement dans des pathologies allant des troubles du mouvement chez les patients parkinsoniens, jusqu’aux troubles psychiatriques résistants aux traitements pharmacologiques. Il est important de noter qu’environ 30% des patients souffrant de dépression ne répondent pas aux antidépresseurs, ce qui signifie qu'ils ne bénéficient pas des effets positifs escomptés de ces traitements.
Technique non invasive délivrant des champs magnétiques induisant des courants électrique dans les régions cérébrales superficielles ciblées, ce qui modifie l’activité neuronale.
Principalement utilisée pour traiter les les épisodes dépressifs chez les patients résistants aux traitements médicamenteux.
Stimulation magnétique transcrânienne
Consiste en l’implantation chirurgicale de fines électrodes dans les régions du cerveau. Ces dernières délivrent de petites impulsions électriques modulant l'activité des neurones dans les zones ciblées
Elle est appliquée aussi appliquer dans le traitement de la depression résistante aux traitements traditionnels mais aussi d’autres troubles comme le trouble obsessionnel-compulsif, en ciblant des aires cérébrales spécifiques impliquées dans ces troubles.
Stimulation cérébrale profonde
Pour aller plus loin...
Lobotomie pourquoi ça
Une petite vidéo pour mieux comprendre (en prime : l’accent québécois)
Vidéo Youtube
Rosemary, le dernier secret des Kenney
Article - Le Monde
Les Maux Bleus, dire les troubles de santé mentale
Un podcast pour mieux comprendre les maladies psychiatriques.
Podcast Spotify
La suite de la chasse au trésor...
Pour vous rendre à la prochaine étape, rendez vous sur le lien :